Grande Kermesse des Licenciements et du Progrès Social

Par L'Embobineuse, le jeudi 22 juin 2017

C'est l'histoire de l'Embobineuse et du serpent qui se mord la queue.

(didascalie: tonalité douce, ambiance comptine ; nostalgique, mélancolique, mais digne...)

Il était une fois...

An de Crasse 1944. Une bombe américaine tombée du ciel perfore le paysage… Une trouée dans le réel...

La bombe accueille ensuite en son trou une activité de bobinage électrique, patiente sous cette jachère ouvrière au bien-bon terreau d'usine. L'activité cesse... En 2002 la bombe renaît de ses cendres, germe et s'étire dans un quartier hanté par ses fantômes industriels.

C'est un serpent encore souterrain qui se love dans une grappe d'ateliers...

Puis L'Embobineuse grandit, se ramifie, s'épate par étape. Elle s'élance dans la frénésie de ses choix de programmation expérimentaux et novateurs, se fait un nom et se tentacule un réseau (2004-2008). Autoproclamée « Théâtre de Fortune », le vent en poulpe et devenue officiellement espace public, elle se met aux normes, s'équipe et s'épile de matériel technique performant (2008-2012), se rêve pérenne.

C'est ainsi que L'Embobineuse s'endette, et tout en investissant dans l'avenir, s'empêtre dans le présent...

En février 2014, à la bordure du gouffre financier, un appel à don lui permet de récolter la quasi totalité de sa dette (27000 € reçus en 28 jours auprès de 750 donateurs). Une levée de boucliers soutenue et relayée par des lieux et collectifs de toute la France et du monde entier. Ce soutien lui réchauffe le cœur et attise son ardeur; rayonnante, elle approfondit les recherches sur son modèle économico-social. Ça darde un max !

Parmi les pistes de solutions, la mutualisation de ses espaces (600m2 sur 2 étages). Le premier étage est totalement réaménagé, de nouvelles structures louent ces locaux et s'y installent. L'Embobineuse se sent moins seule. Elle accueille dorénavant deux compagnies de théâtre (Cie Peanuts, Cie la fêlure), un studio son et label indépendant (les disques du vélo), une scénographe (Chloélie Louis), un artiste vidéo (Jérôme Fino).

Les stages de formations et le bénévolat s'y introduisent avec plus de maturité, comme autant de solutions économiques et de renouvellement des forces vives. Ils s'accompagnent d'une bienveillance portée à l'autre, capable parfois de s'y brûler les ailes.

Jusqu'alors plutôt oiseau de nuit, L'Embobineuse s'éveille au diurne. De nouvelles activités y prennent racine, tant dans le lieu qu'au quotidien, et s'insèrent dans la vie de quartier. Ce fourmillement engage de nouvelles coopérations, de nouvelles passerelles, et de nouvelles ressources.

Ouf! Sans pour autant proliférer, ça ramifie... L'Embobineuse devient outil, un ouvre-voix, une porte-boîte.

(adopter dorénavant une tonalité plus endurcie. C'est qu'arrive l'âge de la constatation... à 15 ans, l'Embobineuse est une adulte!)

Il est maintenanT !

« Il faut résoloudre »
Jens Petzold

Au delà de sa programmation, l'Embobineuse fonctionne comme un laboratoire de création artistique et de recherche tant dans le domaine économique, sociale, organisationnel, qu'artistique.

Elle affirme sa démarche de fonctionnement en tant que structure d'économie alternative.

Dès lors, il s'agit d'y repenser tous les rapports de coordination, avec le public, avec les populations environnantes, avec les artistes, avec les autres acteurs du territoire, des autres territoires et avant tout au sein de notre équipe et de la structure elle même.

Mais...

Mais tous ces efforts ne lui permettent ni de trouver un équilibre économique, ni une légitimité institutionnelle. Après 15 ans de brassage des cultures underground, d'avant-gardisme populaire, de coopérations sur le territoire avec les petits et les grands, la petit bombe n'est que trop peu soutenue par les institutions.

L'Embobineuse reçoit comme subvention de fonctionnement:

  • En 2015, 5000€ du Conseil Général 13, 5000€ de la ville de Marseille, ce qui représente 5 % du budget global.
  • En 2016, 4700€ du Conseil Général 13. La ville a « perdu » notre dossier...

Les subventions atteignent donc 2,5% de notre fonctionnement en 2016.

L'Embobineuse ne demande pourtant pas à être assistée, juste un peu plus appuyée et valorisée. Et on n'a que trop l'habitude des sempiternelles ritournelles : « le fonctionnement mis en place au niveau de la rémunération des artistes n'est pas considéré comme professionnel et nous ne pouvons pas le cautionner ». C'est pas faux.... on les paye mal, et parfois en liquide, c'est à dire en bière et en sueur de front... « Vous savez, en fait, vous êtes en avance sur le système, c'est vous qui avez raison. L'autofinancement, c'est l'avenir culturel, m'voyez, et vous vous » Ah ouéééé... en fait on est des visionnaires ! Ok c'est cool ! Bon ben on y retourne alors, salut !

Le serpent se mordant la queue s'image... « Pour avoir des subes y faut payer ! » Mais cette musique là ne rapporte pas bézef... Elle ne passe même pas à la télé... « Si c'est pas rentab 'Y'faut payer ! »

Arffff...

Puisqu'elle n'est pas une salle de concert, L'Embobineuse tente de valoriser une activité qui est restée dans l'ombre et décide de favoriser la fabrique d'artistes : et ça usine ! Une dizaine de résidences sont organisées par saison pour accompagner des artistes à réaliser leur projet, sans parler des deux compagnies associées à l'année (Cie Peanuts/Cie la fêlure). L'Embobineuse met à disposition ses locaux avec le matériel, des technicien(ne)s, un(e) cuisinier(e), l'espace d'accueil (dortoir, salle de bain, cuisine), des conseiller(e)s selon les besoins (artistiques ou techniques).

Mais les aides des services publics n'augmentent pas pour autant...

Or, si l'Embobineuse n'état pas indispensable, nécessaire tout au moins, à la dynamique esthétique, artistique et sociale de la ville, de la région, elle serait tout bonnement ignorée… Mais ce n'est pas le cas. Au lieu de ça elle est gratifiée de quelques miettes, vers lesquelles il s'agit de ramper chaque année. Ca fait l'effet d'une pièce rouge en pourboire, mais il faut bien, parfois, passer l'été...

Alors encore on se questionne.

On se questionne sur la et le politique. On se remet en question... On cogite …

Qu'est-il plus intéressant pour un territoire ?
Un lieu indépendant qui valorise la diversité artistique, l'émancipation et l'autonomie, les actions avec le quartier, qui propose des liens de qualité avec les publics, les artistes, ou des festivals, des équipements tapent à l’œil, de grande ampleur qui encouragent une culture mainstream pour des usages de consommations capitalistes classiques ?

Et surtout qui a besoin du service de l'Etat ?
Comment sont défendues les politiques culturelles ?
Quelles sont les enjeux politiques et économiques des institutions locales ?

Faut il diffuser de la merde pour la transmuter en argent ?
Cette pierre philosophale ne manquerait-t-elle pas de philosophie ?

On cogite on cogite…

Et « On » se positionne, dans ce paysage qui n'est pas si manichéen, et pourtant …

Bilan moral(e)

Nous défendons notre radicalité, notre particularité, l'interstice que nous créons dans les normes et nous crions haut et fort que si l'Embobineuse survit c'est surtout grâce à son public, ses réseaux et les artistes qui y fabriquent et creusent dans le réel, et dans la culture dominante.

Et il s'agit toujours de souligner à quel point les membres actifs du moment gravissent des montagnes déplacées par les membres antérieurs. C'est un collectif dilué dans le temps et l'espace ; et il est immense.

C'est un espace d'émancipation ouvert, participatif, qui cherche à agir dans l'horizontalité de tous les liens humains et non-humains. C'est un laboratoire de recherche-action esthétique et politique, c'est un projet économique qui crée de l'emploi (malgré tout 2 équivalents temps plein). C'est un espace de partage du sensible « qui fait exister des modes nouveaux du sentir et induisent des formes nouvelles de la subjectivité politique », c'est un espace de fusion entre l'art et la vie, un espace de désillusion lucide, un espace de critique sociale, un espace de participation au monde qui fait sens pour les exclu(e)s de la pensée dominante et à ses détracteurs, un espace où nous cherchons à détruire l'idée d'une société fondée sur l’opposition entre ceux qui pensent et décident et ceux qui sont voués aux travaux matériels et à l'obéissance.

Si l'horizontalité y est parfois oblique, les despotes lumineux et l'urgence un tempo, on y regarde à l'horizon. Si le funambulisme est un enchaînement de déséquilibres, on y conserve un cap.

Parce que voilà l'Embobineuse aimerait se stabiliser, voir plus loin, voir plus haut... et une bonne foi pour toutes, sauver l'humanité immorale...

Moral(e) de l'histoire

L'Embobineuse c'est toi !
Elle te traverse ! Elle a besoin de toi !
Nous avons besoin de toi…

Nous t'invitons donc dans la canicule Warseillaise pour :

La Grande Kermesse des Licenciements et du Progrès Social

Samedi 24 juin à partir de 14h

Avec l'aimable participation de:

  • La Compagnie Peanuts,
  • Post Coïtum,
  • Oh! Tiger Mountain,
  • Louis Minus XVI,

et de tous les embobineurs d'hier, d'aujourd'hui et surtout de demain car le futur c'est l'avenir !