Le Diable est boiteux

Garrincha avait une jambe plus courte que l'autre de six centimètres. Messi est un nain contrarié comme il y a des gauchers contrariés.
Dans le sport c'est le physique qui compte. Les éphèbes ont la côte. Le culte du corps a semble-t-il atteint son paroxysme, ça y est, enfin, tous les hommes et surtout toutes les femmes sont belles. C'est avec un immense soupir de soulagement que je peux m'exclamer ; la laideur et les mal foutus disparaissent de la surface de la terre et mes yeux pudibonds n'auront plus à se détourner devant le malaise répugnant d'un bancal.
C'est un brin eugéniste à tendance Riefenstahl mais l'hypocrisie qui veut qu'on embrasse ceux qui bavent, bof.
Et ma foi, les braves gens qui affichent un mépris prononcé pour le sport et vous renvoient à deux notions bien sales : le fric et le muscle, je ne suis pas certain qu'ils apprécient plus que moi l'incroyable laideur de ceux qui n'ont même pas la présence d'esprit de se faire rembourser l'orthodontiste.
Et au milieu de ces sourires blancs et rangés je me demande ce que vient faire le genou tordu de Garrincha. Avez-vous remarqué comment un sourire refait en porcelaine ça fait nouveau riche et vieille pute alors qu'un sourire calé à la bague dentaire ça fait en bonne santé et éblouissant ?
C'est là qu'intervient Garrincha. La dentition est quelque chose de très important, c'est avec ça qu'on identifie les morts.
Les deux boiteux dont je parlaient n'ont pas un physique de rêve et ça n'empêche qu'ils sont adulés. Les exemples de sportifs au physique improbable sont légion, pas la peine de les citer. C'est que le sport une bonne fois pour toute n'a rien à voir avec le corps. Il a à voir avec le geste.
Le résultat, on s'en fout, surtout quand il est bon.
C'est avec ce genre de malentendu que l'on fait la fortune des orthodontistes. Et l'esprit de Riefenstahl règne beaucoup plus dans les cabinets blancs que sur les pelouses vertes. Les Dieux du Stade prenait le sport comme image, et ce n'était qu'une image. On s'en approche plus en se recalibrant les gencives qu'en dribblant comme Garrincha. Qui avait les jambes tordues, la colonne tordue et ses dents j'en parle même pas.

Les mécontents, ce sont des pauvres qui réfléchissent.
Talleyrand

Dribblez leprefet@lembobineuse.biz

Des mirettes

  • chronique prefet 23