Politesse oblige

Par Le Préfet, le dimanche 1 janvier 2012

L' année qui s'annonce est celle de la fin du monde. Ce qu'il y a de bien dans la fin du monde c'est qu'elle revient à peu près tous les cinq ans. L'Embobineuse se joint à moi pour vous souhaiter une joyeuse apocalypse.

Les formules de politesse ; les réflexes que le champ social nous impose ; cette façon de ne pas être soi-même mais de correspondre ; cette façon d'être sorti de soi (au forceps) ; de se faire nier dans son individualité propre et tellement précieuse ; cette ironie de la redite de ce que nos pères déjà, redisaient ; cette absurde commodité d'un corps social aussi vide qu'une lettre de faire part : rien n'est plus absurdement délicieux.

En relisant Kafka d'un œil distrait par le prisme des « Douze Travaux d'Astérix » (le laissez-passer A-38), je me mis à rêvasser et à douter de l'objet de l'ironie de l'auteur. Kafka lisait volontiers ses œuvres à ses amis ; et ils étaient mort de rire ; alors qu'aujourd'hui il est de bon ton d'en apprécier l'univers cauchemardesque et de s'étonner de cette incroyable préscience de l'horreur quotidienne qu'on vit tous les jours minute par minute à chaque instant. C'est que c'est pas facile de se coltiner le monde moderne et sa tentaculaire administration qui fait de nous des pions.

En rêvassant un peu plus j'en vins à penser à la structure du monde – via un reportage scientifique de chez « Nature & Découverte » sur la Cinquième du service public –, c'est la structure atomique : le pourquoi du comment tout se tient ensemble en faisant de jolis dessins imbriqués, avec des boules et des traits. La structure administrative de la matière, la politesse du monde en quelque sorte, ce contre quoi on ne peut lutter, ce qu'on subit jusque dans nos organes.

J'en vins à me dire que ce qui était risible, puisqu'ils en riaient, ce n'est pas l'incroyable complexité administrative, mais l'indécrottable bêtise de K, incapable de comprendre le monde dans lequel il se trouvait balancé, rebelle pour être rebelle, rebelle par idiotie. L'objet de moquerie c'est le héros : l'individu dans toute son individualité revendiquée n'est qu'un imbécile, et à ce titre, moquable à merci.

LE PREFET