Aimer... jusqu'à la déchirure...

Par Le Préfet, le mardi 16 août 2011

Jean-François Lamour est mon héros.

Je sais, c'est étrange d'avoir pour héros un politicien de droite bedonnant. Mais il fit partie de la caste des sabreurs. Ces gens qui frappent de la taille et non de l'estoc maniant ainsi leur arme avec le souvenir du cheval qu'ils avaient jadis sous eux.

C'est maintenant les jambes qui ont cet office. Jean-François Lamour fut le maître du sabre mondial, donnant ainsi une fierté à tous les sabreurs français – dont je fis partie – poussés généralement à cette pratique non par choix, mais par incompétence dans les armes nobles : épée et fleuret.

L'absence de jambes et de monture nous faisait des centaures déchus ; vague réminiscence mythologique dans la confrérie des escrimeurs qui ne suscitait d'ailleurs qu'un vague mépris. Vengeance et damnation, la légende arriva : Lamour ! Il balaya leur indifférence. Les vilains.

Une légende courait sur lui, car lui ne courait pas. Attaqué, tout bon bretteur recule, s'enfuit, pour mieux contre attaquer, faisant ainsi passer la lâcheté pour de la fourberie. Les vilains.

Pas lui. Il avait paraît-il appris son art sur une piste trop courte, si bien qu'il dut faire front et trouver les parades. Il acquis ainsi une vitesse de bras phénoménale et un œil bionique. Imaginez ce gros bonhomme statique avec un sabre laser balayant tout devant lui, rempart magnétique, invisible, infranchissable. Le Skywalker français est un gros bonhomme en blanc.

Mais cessons de parler escrime, je sais bien que tout le monde s'en fout, je n'ai jamais tenu plus de quinze secondes dans un bar sur le sujet.

Si Jean-François Lamour est mon héros, vous l'aurez, compris, c'est qu'il est gros. En tant que petit maigre j'adore les grands gros, fascination qui tient plus du fantasme des vases communicants que de l'érotisme. Bref.

Combien d'amis grands gros ai-je eu quand j'étais encore plus petit et rachitique ! À croire que l'amour est réciproque. Les gros sont ailleurs ; ils n'ont pas besoin de parole, ils habitent le monde, le soulèvent, le possèdent. Ils ne parlent pas, ils portent leur ombre et tout s'efface. Les gros comprennent, ce sont nos amis. Ils poussent du ventre pour ouvrir les portes et c'est une brèche dans l'au-delà. Les gros ne meurent pas, ils s'écroulent.

Le mépris des gros n'est que jalousie dans un monde où personne ne trouve de place, un monde métro-bondé ; ils créent l'espace. Et parfois ils vous laissent y entrer.

Jean-François Lamour est un ami potentiel ; et que personne n'y redise rien.

Les gros sont nos amis. Quand ils vous cassent la gueule, ils ne vous font pas mal, ils vous écartent.