Ceux qui Marchent sur Deux Roues

Il était temps que ça s'arrête, qu'ils fassent une pause, au moins pour reprendre leurs esprits, pour reprendre les fondamentaux du vélo : rester sur deux roues en équilibre.
Ils semblent avoir oublié ça cette année. Amnésie collective suicidaire et dramatique. Il pèse sur le peloton une culpabilité ou une révolte, les deux à la fois.
Après une semaine d'immersion parmi les pédaleurs, dans cet immense troupeau comme un monde d'intouchables exhibés, on en sent vibrer les lois, les coutumes, les morales et les mensonges. On n'est pas moins étonné que Levy-Strauss au cœur de l'Amazonie, on n'est pas moins solidaire, pas moins imprégné des mœurs étranges d'une ethnie bigarrée ; mœurs qu'on adopte tout en voulant les comprendre.
Chez Ceux qui Marchent sur Deux Roues rien ne va plus. Le dopage fatal a rongé leur raison de vivre : gagner. La honte a sapé leur mystique : gagner.
Imaginez une société où plus personne ne voudrait gagner d'argent. Où le but de l'existence ne serait plus de s'acheter des trucs. Un cauchemar. Les gens seraient si désemparés que je suis certain qu'on les verrait s'effondrer dans la rue, s'empêtrer les pieds dans les jambes, se casser la figure parce que franchement, il ne verraient plus de raison de rester debout.
C'est ce qui arrive à Ceux qui Marchent sur Deux Roues.
La peur de gagner les envahit. Normalement ça désigne la trouille qui vous saisit au moment de conclure et qu'il ne faut pas louper, voilà pourquoi tant de gens tirent à côté du but, là ça veut dire que battre Contador prouvera simplement qu'on est plus shooté que lui.
C'est sûr qu'on y réfléchit à deux fois avant de gagner une course.
La culpabilisation qu'on fait subir à cette tribu, l'exode qu'on lui impose me révoltent. Indignez-vous ! Comme dirait le Elie Wiesel du pauvre.
Comment peut-on reprocher à toute une population de développer la pharmacopée pour améliorer les performances humaines ? N'est-ce pas une belle et noble cause ? Et n'a-t-on pas mis tout en place pour qu'ils foncent tête baissée dans l'expérimentation à tout va ?
Un seul exemple : il n'y a qu'un vainqueur ! La notion d'ex-æquo n'existe pas. Comment leur reprocher de vouloir être l'unique vainqueur ? Puisqu'il n'y a jamais eu que cela qui comptait dans cette ethnie frustre mais sympathique.
Imaginez une société où le seul but est de gagner, mais tout le monde se droguerait et se bourrerait la gueule ! Et c'est bien normal. Ça dés-inhibe, alors on tombe plus de gonzesses ; ça fait aller plus vite, alors on gagne plus d'argent.
Ceux qui Marchent sur Deux Roues sont probablement des anachronismes. Comme toutes les populations dont on détruit le milieu naturel ; l'ours polaire va mal, les documentaires animaliers sont tristes, on nous y fait la morale sur notre chère planète, alors que nous on veut voir que des bêbêtes et comment qu'elles baisent.
(Pardon : se reproduisent.)

La chasse à l'esturgeon avec leprefet@lembobineuse.biz

Des mirettes

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