Vive Tsonga

Tsonga, hier, a battu Federer.
Demain il affronte Djokovic.
Aujourd'hui est le plus beau jour du tournoi.
On pourrait en effet croire que regarder le sport, suivre les résultats, s'enthousiasmer pour les exploits est affaire de passion ; la violence d'une décharge d'adrénaline, exulter, chanter, hurler...
Ai-je tremblé durant le match ? Bien sûr. J'étais suspendu, le souffle court, l'admiration en éveil, chacun de mes sens décelant les crispations de mon héros, ses doutes, ses possibles faiblesses au moment de porter l'estocade, et j'ai douté ; je l'ai vu perdre, j'ai vu sa frustration, je me suis frustré, tout ça pour conjurer le sort.
Ça a été un bon moment ? Bien sûr que non. Qui peut aimer être tendu au point d'en laisser échapper la cigarette de ses lèvres ?
C'est aujourd'hui le meilleur.
Une douce euphorie m'habite. Aucune tension ne pourra vraiment m'atteindre. À vrai dire rien n'aura vraiment d'importance.
Tsonga n'a bien sûr pas gagné le tournoi, peut-être même demain subira-t-il une cuisante défaite, et alors ? C'est demain.
J'ai tremblé hier, j'étais un peu pathétique même. Et alors ? C'était hier.
La temps que j'ai gagné aujourd'hui est du temps gratuit. Un pont entre les peurs d'hier et les craintes de demain.
Je suis bien.
Je suis dans une traversée très tranquille, regardant la jetée qui s'éloigne et sachant que je vais vers une île fabuleuse, où se jouera encore quelque chose, une autre promesse ou une fin. Qu'importe.
Le match est une promesse, là, je suis avant la promesse, le délicieux moment où on sait que quelque chose de doux va arriver. Si on se réalise dans l'action, car il faut bien faire quelque chose, c'est dans l'inaction que l'on est heureux. Une croisière d'un jour où le soleil, même trop chaud, est agréable.
Ce n'est plus sur terre ou sur mer que l'on voyage ; on voyage entre les quarts et les demies finales. Pas besoin d'argent pour ça, ni même d'être en bonne santé, à peine un peu vivant. Pour habiter un temps qui n'existe pas.

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