The Match

Il y a des matchs qu'on n'a pas vu. Isner vs Mahut dura plus de 11 heures l'an dernier à Wimbledon. Record absolu et entrée dans le Guiness. Personne ne pu le voir mais tout le monde le regarda. Que je regrette de ne l'avoir pas vu, pris au début et resté rivé à ma télé 11 heures durant. J'aurais été le seul. Le seul à vivre un moment historique de bout en bout et ça n'aurait servi à rien. Car il suffit de savoir que ce match a été. Wimbledon s'arrêta et le grand Mc Enroe lui-même s'arrêta de pérorer pour venir regarder. Et pourtant, durant ces 11 heures il dut y avoir quoi ? Une heure, deux maximum de jeu ; le reste fut comblé par le repos des joueurs, leur abreuvage, leur essuyage, leur frappé de balle sur le gazon avant le service, etc... La proportion d'inaction devient, sur des durées telles, proprement hallucinante. Il n'y eut jamais autant la quintessence du tennis : l'art de passer le temps avec classe. Wimbledon et ses tenues blanches est là pour nous le rappeler ; la tradition anglaise a le bon goût de nous dire que le divertissement est l'apanage des gens désoeuvrés et qui s'ennuient. Les deux sont indispensables. Submergés d'ennui, joueurs et spectateurs ont du se regarder. La frustration devait se lire sur le visage de Mahut, l'étonnement sur celui de Isner. Et sans doute ont-il pris conscience de l'infini désoeuvrement qui les habitait. C'était l'épuisement des ressources ultimes du divertissement pour laisser place au pur désoeuvrement. Ils ont donc su exprimer l'essence humaine : ne rien faire et n'avoir pour but ultime que de ne rien faire. Leur existence s'est étiolée devant les événements, et puis, un an après, c'est-à-dire hier, ils ont remis ça. Mêmes joueurs même match. Hélas cela fut plié en deux heures. Mahut, éternelle seconde classe du tennis, a concédé une nouvelle défaite. Un an après il n'a pas eu le courage de recommencer. Un homme broyé par l'histoire. Un homme qui méprise l'anecdote, alors qu'il la créa si génialement. Il céda le plus vite possible. Au tennis tout se passe autour : un regard qui se perd, une volonté qui flanche, une brute qui s'éveille, un pigeon, une star dans les travées... et ce qui se passe dans la raquette n'est que prétexte. En temps objectif d'ailleurs cet impact, on peut même y ajouter le trajet de la balle, est quasi nul. C'est à tout cela que Mahut et Isner ont redonné ses lettres de noblesse. Ce temps vide où le monde n'a d'autre rôle que de s'entreregarder sans but dans la plus parfaite vacuité de sa présence. Et Mahut, hier, a semblé terrorisé par ça ; non son vide, mais celui des autres. Plus encore que de créer l'histoire, il fit du luxe et, du luxe, il fit éclore du plaisir et, du plaisir, la vacuité de s'adonner au plaisir. C'est le pur plaisir du rien. Il est des hommes dépassés par la porté de leurs actes et ce sont toujours eux qui font l'histoire. Renvoyez la balle à leprefet@lembobineuse.biz.

Des mirettes

  • van der meulen