ZINE CLUB #1 //// Cinecittà attacked by Gorgonzola germs

A PROPOS DE KARZAN On croyait avoir tout vu avec la production italienne des années 80. C'était oublier un peu vite que dans les décennies précédentes, les Italiens avaient déjà frappé fort en matière de nanars ahurissants. La production bis seventies recèle un certain nombre de pépites qui n'attendent que le courageux ou l'inconscient pour se jeter dessus. Et dans le genre hallucinant, ce « Karzan maître de la jungle » se pose là !

D'abord oui, vous avez bien lu, c'est Karzan avec un K (comme dans Kopiage éhonté). Oh ne vous inquiétez pas, il s'agit bien d'un sous-Tarzan avec tous les poncifs du genre. Le film est même sorti en Italie sous le titre de Tarzan, mais pour de mesquines questions de copyright (la famille d'Edgar Rice Burroughs ne plaisante pas avec la gestion des droits de l'Homme Singe), les producteurs ont préféré rebaptiser le personnage. Il en reste encore d'ailleurs quelque chose puisque dans le générique, le T de Tarzan a été bricolé pour former en catastrophe la lettre K...


Le responsable de cette gourmandise est un vétéran du western spaghetti hélas aujourd'hui complètement oublié et qu'il faudra un jour redécouvrir : Demofilo Fidani (planqué sous son pseudo fétiche de Miles Deem). La carrière du monsieur est jalonnée d'oeuvres bizarroïdes aux titres évocateurs : « Sartana, si ton bras gauche te gêne, coupe-le ! » ou « For a barrel of dollars » avec Klaus Kinski ! Ami de Fellini, peintre à ses heures, amateur d'occultisme (neuf ans après sa mort, un petit groupe de gens continuent à célébrer Il maestro spiritual Fidani), Demofilo a, des années 60 au milieu des seventies, tourné dans son coin tout un tas de polars, de westerns et de films érotiques. Bref une carrière exemplaire dans le cinéma italien, qui n'est pas sans évoquer Bruno Mattei dans l'inconscience et la roublardise couplées à un amour immodéré du stock-shot. Il est à noter que Joe D'Amato a fait ses premières armes en tant qu'assistant sur les plateaux de Fidani.

L'argument de ce Karzan : un riche Anglais, Lord Carter, monte une expédition sur les hauts plateaux africains pour enquêter sur un mystérieux homme singe blanc qui aurait été aperçu là-bas. Après les péripéties d'usage (serpents, araignées, tribus sauvages, porteurs qui fuient au premier signe de danger), l'expédition tombe sur le Karzan en question, sa blonde compagne Shiran et son vieux chimpanzé tout pelé.

L'homme singe est joué par un culturiste huilé au brushing blond absolument indestructible, même après dix kilomètres de nage en rivière et un combat avec un crocodile, judicieusement nommé Johnny Kissmuller Jr !! Bon vous avez deviné, il s'agit évidemment d'un pseudo, d'autant que ce Kissmuller n'a jamais été crédité nulle part ailleurs (en tout cas sous ce nom). D'un autre côté ce genre de rôle n'est pas non plus le meilleur moyen de débuter une carrière : le pauvre gars, quand il n'a pas un sourire crétin et satisfait, débite des textes en pseudo-swahili des plus comiques (surtout quand sa copine et lui se font une scène de ménage dans cette langue).

Tourné dans un coin de nature sauvage mal défini pour un budget de misère avec des acteurs de patronage, le film de Fidani doit nous faire croire que nous sommes dans les forêts africaines au milieu de mille dangers. Le bougre sort alors une panoplie d'artifices qui font tout le charme de sa production :


Tactique n°1 : le stock-shot. Le procédé est classique mais Demofilo pousse le bouchon toujours un peu plus loin. L'expédition s'arrête un moment, un des guides crie « Là-bas, regardez ! », tout le monde tourne la tête et hop passent quelques gazelles issues d'un documentaire bien pourri. Ne s'en tenant pas qu'aux images, Fidani sample largement des bruits de jungle. Jamais effrayé par l'idée d'en faire trop, lors d'une escarmouche contre une tribu sauvage durant laquelle l'expédition se défend au revolver, on entend distinctement des bruitages de film de guerre, à base de mitrailleuses lourdes et d'explosions ! Alors qu'à l'image, on tire au coup par coup au petit flingue... Proprement hallucinant.

Tactique n°2 : amplifier le danger par la hum... mise en scène. Karzan doit sauter depuis un rocher d'une hauteur de 1 mètre ? Avec un ralenti et une contre plongée, Fidani transforme ça en exploit olympique. Un des membres de l'expédition est attaqué par un serpent de la taille (et de la mollesse) d'une couleuvre ? L'acteur en fait des tonnes dans le genre combat contre un boa constructor, visage crispé et posture de terreur, même si le serpent fait 50 cm à tout casser. Karzan nage dans des eaux infestées de (stock-shots de) crocodiles ? Zoom depuis la rivière sur... un bébé crocodile filmé en très gros plan pour nous faire croire à un dangereux prédateur !

Tactique n°3 : pour ajouter à la frénésie ambiante lors des scènes de combats, Fidani demande à ses acteurs de boxer directement la camera, histoire de bien nous plonger au cœur de l'action. Ridicule...

Tactique n°4 : faire couleur locale. Outre le bébé crocodile et la couleuvre déjà cités, on a droit à un lion et un chimpanzé de cirque fatigués, une araignée en caoutchouc (fils visibles inside) et un type en costume de singe (allez-y, rematez la vidéo, elle le mérite). Et puis une tribu de méchants Noirs avec des coupes afros made in 70's. Il faut noter au passage que le film véhicule une vision des Africains directement calquée sur les Tarzan des années 30 : les porteurs noirs ne s'expriment que par des « Bwana » et des « Patwon » à la Michel Leeb et s'enfuient au premier signe de danger. Quant aux sauvages ils sont adeptes des poteaux de torture et des danses rituelles sur fond de tam tam mais, dès qu'ils touchent aux Blancs, se font filer une rouste mémorable par le courageux Karzan.

Tactique n°5 : dès que l'intérêt faiblit, un peu de fesse. Il y a d'ailleurs une scène d'anthologie où Shiran combat la grande prêtresse du village. Et hop, c'est parti pour un véritable combat de catch sous le regard concupiscent de la tribu. La fête de la petite culotte en somme.

Source : Nanarland



A PROPOS DE MONDO CANE Investigateur de la féroce vague des «mondo», Mondo Cane est à l'origine de Cannibal Holocaust pour avoir initié le procédé qui consiste à montrer des images chocs dans un style vériste avec en sus un commentaire pompeux pseudo-moral pour mettre le spectateur «face à la mort». L'ancêtre sort avec sa suite aseptisée dans une édition dvd agrémentée de bonus croustillants.


Mondo Cane («monde de chien» en Italien) est une sorte de Baraka de l'horreur où les us et coutumes de différents pays sont passés à la moulinette pour affrioler les ados qui fréquentent les vidéo-clubs. Lors de sa présentation au festival de Cannes en 1962, le film de Gualtiero Jacopetti, Paolo Cavara et Franco E. Prosperi a fait sensation par la force de ses images. A la revoyure, ce carnet de voyages des petites horreurs a beaucoup souffert et ne répond pas à ce que l'on pourrait attendre d'un film «mondo» qui selon la règle se situe pas loin du snuff movie. En comparaison, on a à faire à une comédie volontariste et fascinante qui invite aux vices et aux trucages. A côté, une oeuvre dégénérée comme Camp 731 a su conserver sa puissance. L'impact de Mondo Cane est moins fort que la série des Face à la mort ou Guinea Pig (dans un genre totalement différent) qui ont poussé le système très loin dans la gratuité avec opportunisme et plus d'aisance.

Mais il faut replacer le film dans son contexte (les années 60) et louer son concept inédit dans le genre horrifique qui consiste à concilier des images dites réelles et d'autres, totalement fabriquées. La différence, c'est que les horreurs sont essentiellement subies par des animaux: une tortue (Cannibal Holocaust ira beaucoup plus loin en se targuant d'une scène coupée où l'équipe zigouille gratuitement l'animal), des porcs, des oies, des chiens, des serpents ou des taureaux. En revanche, les scènes encore impressionnantes de Mondo Cane se déroulent avec des pêcheurs mutilés qui se vengent des squales en les gavant d'oursins et des enfants qui lors d'une fête Pékinoise lavent des cadavres. Mais le JT de 20 heures a quasiment atteint ce niveau - les sensibilités et les moeurs ne sont plus les mêmes.


En contrepoint, certains passages totalement incongrus cherchent à remplir du vide ou à donner une dimension grotesque comme pour se moquer du pervers latent en chacun. Les commentaires qui les accompagnent provoquent une hilarité que l'on ne peut pas considérer comme involontaire. La bande-son est signée Riz Ortolani que Deodato reprendra pour signer la partition entêtante de Cannibal Holocaust, et ce n'est pas anodin. Avec le recul, Mondo Cane passe pour un objet expérimental de petits malins. Un peu comme Le projet Blair Witch dont ce dernier est le descendant indirect. Il mise davantage sur le malaise généré par l'attente de ce que le spectateur est susceptible de découvrir ou non. La scène la plus représentative de cette expectative pourrait être celle avec les innocents poussins violemment recouverts de peinture qui vont finalement être déposés dans des oeufs de Pâques. Autant prévenir ceux qui s'attendaient à se lécher les babines: tout reste soft même si certains passages construits selon un contraste de couleurs (lorsqu'une demoiselle goûte avec ses lèvres toutes rouges des insectes) cherchent à respecter la confrontation entre les pays (l'Italie, l'Asie, l'Afrique). C'est du pur travail d'illusionniste qui aligne des séquences disparates presque fascinantes. Mais le traitement racoleur de l'information est digne de certaines émissions télévisés comme «Choc». Certains aujourd'hui seraient inspirés de s'en inspirer pour faire grimper l'audimat.

Source : DVDrama



Projections en collaboration avec la librairie "l'Ombre de Marx" (19 rue des bergers - 13006 Marseille)

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