AH !! CHER PUBLIC !

Par Le Préfet, le jeudi 30 avril 2009

Merde, je me suis fait traiter d'Artiste.

J'étais assis le long d'un mur près d'une porte, le cul sur mes talons façon caca dans les bois, le dos bien droit pour soigner ma scoliose, la clope au bec par réflexe, et voilà qu'un quidam à casquette flanqué d'un scooter en panne m'interpelle du ton le plus vulgaire:

« Eh, t'es un Aartchiste, toa ! »

Nous étions dans une ville de province devant l'entrée des artistes d'un théâtre fondé par Jack Lang et qui pouvait contenir la moitié de la population du bled. Mon sang ne fit qu'un tour et devant la grossièreté de l'insulte je restai coi, plus par lâcheté que par surprise. Cet épisode m'inspira une bordée de réflexions toutes sans intérêt mais qui piquèrent ma curiosité prompt à s'émouvoir de moi-même :

Premieremo, pourquoi se fait-il que le mépris que je voue aux artistes se rencontre si couramment chez les populations imbéciles ? Y a-t-il un rapport de cause à effet et dans ce cas dois-je me poser des questions ?

Secondo, je la fis sous forme de maxime, en pensant au dernier spectacle que j'avais vu, (je me cite) : « L'art ankylose le poignet. Une bonne branlette et il n'y paraîtra plus. Le monde aura alors échappé à deux choses inutiles : votre enfant et votre oeuvre.

Troisiemo, « Le commerce des abrutis est un marché à pertes ajoutées : ils commencent par vous faire perdre du temps et finissent inévitablement par vous taper cent balles. Car la bêtise reste encore le plus sûr moyen d'être pauvre. Il peut cependant arriver de commercer avec un génie sans le sou, certes, vous finirez par lui donner cent balles, mais considérant la pauvreté de votre esprit, vous pourrez vous vanter qu'il vous a fréquenté sur un pied d'égalité. »

Considérant bien sûr que je n'avais certes pas un rond mais que, loin d'être un artiste, j'étais un génie. Ce qui m'amena naturellement au quatriemo (et dernio) :

« Il y a tant de choses sans intérêt dans le monde qu'on ne finit par ne s'intéresser qu'à soi. Qui est généralement la chose la moins intéressante du monde puisqu'on la connaît déjà. Ce qui me fait croire que ne s'intéresser à rien reste la seule façon d'attendre la mort sans trop perdre son temps. »

J'en conclus donc aussitôt que l'artiste n'est rien d'autre que monsieur tout le monde, c'est à dire un égocentrique forcené, tête de gondole d'une société où l'instinct de la possession a depuis longtemps dépassé l'instinct de survie. Et si on a envie de lui tailler des pipes, c'est bien parce qu'il nous rend notre égoïsme bien sympathique... quand on est sur les bancs publics évidemment.

LE PREFET